M'sieur l'marquis Mer 25 Aoû - 14:39
Procés de la Juve 2004 : extrait d'un article de Libé :
Après les innombrables stimulants, antidépresseurs et corticoïdes retrouvés dans l'infirmerie de la Juventus de Turin, l'ombre de l'EPO (érythropoïétine) plane sur la plus prestigieuse équipe italienne. Dans le cadre du procès à l'encontre de l'administrateur délégué du club, Antonio Giraudo, et du médecin, Riccardo Agricola, accusés de «fraude sportive» et d'«administration de produits dangereux pour la santé», les experts nommés par le juge Giuseppe Casalbore ont soutenu hier à l'audience que les variations des valeurs sanguines de certains joueurs ne sont pas «physiologiques et compatibles» avec l'activité sportive. En clair, entre 1994 et 1998, certains joueurs turinois auraient été soumis à des cures d'EPO.
«Etrange». Commentant un rapport d'une centaine de pages, le spécialiste en hématologie Giuseppe d'Onofrio a clairement indiqué que les données concernant l'hémoglobine de plusieurs joueurs étaient «étranges». Prenant en particulier l'exemple d'Antonio Conte et d'Alessio Tacchinardi, l'expert s'est étonné des variations sanguines : hautes en 1995 et 1996, basses au cours de la saison suivante et de nouveau en augmentation en 1997-1998. «Les variations sont si importantes qu'elles laissent supposer une stimulation massive de l'érythropoïésie (une conséquence de l'utilisation d'EPO, ndlr) ou une thérapie à base de transfusions dont on ne trouve néanmoins aucune trace dans les dossiers cliniques des joueurs», a insisté Giuseppe d'Onofrio. D'autres joueurs, dont Didier Deschamps, Angelo Di Livio ou encore Moreno Torricelli, auraient, selon les experts, reçu à plusieurs reprises des faibles dosages d'EPO.
Dans l'après-midi, le professeur Eugenio Mueller, expert en pharmacologie, a durement attaqué les responsables de la «Vecchia Signora» («vieille dame»), affirmant «qu'entre 1994 et 1998 des médicaments ont été administrés aux joueurs à d'autres fins que celles notifiées dans les indications thérapeutiques». Eugenio Mueller a en particulier évoqué les produits Neoton et Esofosfina, en principe utilisés pour soigner des problèmes cardiaques et pour lutter contre l'éthylisme. Ces deux médicaments auraient été injectés par intraveineuse avant et après les matchs à plusieurs joueurs dont Conte, Del Piero, Ferrara, Lombardo, Ravanelli, Baggio et Vialli. Pour Eugenio Mueller, ce recours au Neoton et à l'Esofosfina aurait eu pour objet de stimuler le «métabolisme énergetico-musculaire» des footballeurs.
Zizou et la créatine. Lors de l'enquête préliminaire, Zinedine Zidane, sous les couleurs de la Juventus à l'époque, avait admis qu'il prenait «trois grammes de créatine (produit permettant de développer la masse musculaire, ndlr) deux ou trois jours par semaine durant la préparation, et, de temps en temps, durant le championnat, entre la première et la deuxième mi-temps». Plus étonnant, il avait aussi subi «des perfusions d'un produit dont [il] ne connaît pas le nom» : «Je crois qu'il s'agit de vitamines et de sucres. Je ne sais pas si le produit s'appelle Neoton ou Esofosfina.» Zidane s'était justifié : «Les perfusions sont utiles. Sinon comment pourrais-je jouer 70 matchs par an ?» Admettant également s'injecter du Samyr (un antidépresseur), «pour éliminer la fatigue», le capitaine des Bleus avait reconnu absorber du fer : «J'ai des carences en fer importantes. Il m'arrivait d'en prendre quatre ou cinq fois par an.»
Les experts du procureur Raffaele Guariniello avaient déjà souligné que le «fer est un élément nécessaire, en dose massive, pour qui prend de l'EPO». Face aux conclusions des professeurs D'Onofrio et Mueller, la défense a soutenu hier qu'il ne s'agissait que d'«hypothèses» et a vigoureusement démenti l'usage d'EPO. «Si on devait admettre, ce qui n'est pas vrai, que j'ai administré de l'érythropoïétine à Conte et Tacchinardi, alors cela voudrait dire que je me suis introduit de nuit à l'hôpital des Molinette où les deux joueurs étaient soignés (à deux périodes distinctes à la suite de blessures, ndlr). Il faudrait également en déduire que je leur aurais administré de l'EPO immédiatement après des blessures pour lesquelles ces joueurs sont restés immobilisés pendant des mois», s'est défendu le médecin du club, Riccardo Agricola.
«L'expertise a été utile, elle a permis de clarifier les choses», a commenté le procureur Guariniello. Prochaine audience de ce procès qui a débuté en janvier 2002, jeudi. Elle devrait concerner l'utilisation d'autres produits, à commencer par le Voltaren et la créatin